BARBARA: portraits kaléidoscopiques



Barbara est un film déconcertant. Que sommes-nous en train de voir ? Un biopic, une pure fiction, un documentaire sur la chanteuse ? La réponse est un peu des trois. Pour ce film, Mathieu Amalric se libère de tout carcan : images du documentaire de Gérard Vergez, scènes rejouées ou inédites. Cet enchevêtrement n’est pas sans risque. La confusion est imminente à chaque nouvelle scène. Si certains ont pu clairement distinguer les archives du film, je n’en fais pas partie (malgré le passage pellicule-numérique qui peut passer pour un effet de style). Ayant peu de connaissance sur la chanteuse, je me suis retrouvée perdue entre une image d’archive et une imitation. Le film, comme le dit Amalric dans chaque interview, est « un mensonge consenti ». Il se joue du spectateur, l’amène dans le vrai puis le faux.

La confusion s’accélère. « Vous faites un film sur Barbara ou vous faites un film sur vous ? » demande l’actrice à son réalisateur lorsque celui-ci s’immisce dans une scène. L’affaire peut être poussée plus loin : Amalric fait un film sur Balibar. Les deux femmes se ressemblent et se mélangent. Mais ce n’est pas ce film qui nous fera découvrir la personnalité ni de la chanteuse ni de l’actrice. Le « mensonge » d’Amalric réside dans la fabrication de tout personnage.



Amalric nous amène à une réflexion sur la construction d’une image. Que ce soit celle d’une actrice travaillant pour un rôle ou celui que l’on garde d’une chanteuse décédée. L’image se consomme, se crée encore et s’accumule. Si bien qu’il est difficile d’en retenir quelque chose. Esthétiquement, Amalric fait un merveilleux travail dans un style bien à lui. On retiendra ce plan du réalisateur devant un mur couvert d’images, allégorie de sa propre confusion.

Barbara représente un regain d’énergie dans un cinéma français mollasson et sans risques. Mathieu Amalric prouve sa singularité grâce à ces nombreuses acrobaties. Certaines jouent malheureusement en défaveur du film. L’histoire s’égare à quelques moments dans des arcs narratifs abandonnés dès l’ouverture. Le film fonctionne par fragments, un style narratif qui peut s’essouffler assez rapidement et perdre le spectateur. Amalric joue à un jeu dangereux en optant pour le style kaléidoscopique mais s’en sort finalement correctement grâce à sa poésie et son esthétique.

Barbara
de Mathieu Amalric
France (2017)


Clotilde Colson

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