THE SHAPE OF WATER : l’inconnu prisonnier de sa cage
Plongée sous-marine dans le quotidien
mystérieux d’une jeune femme muette. Guillermo Del Toro opère un retour gagnant
en contant une fable moderne et sans interdits. Elisa (Sally Awkins) se
réveille la nuit pour aller nettoyer des laboratoires ultra secrets du
gouvernement. Sa routine est rapidement plantée, l’histoire peut démarrer. Une
des plus belles scènes (voire la plus belle) du film est celle
d’ouverture : tout l’appartement d’Elisa est plongé dans l’eau, aquarium
humain et métaphore annonçant le dénouement. C’est une mise en suspend du
temps, de la gravité et de l’apesanteur, un moment de transition entre notre
réalité et la fiction qui va nous être présenté. Une mystérieuse voix-off nous
introduit maladroitement à Elisa, laissant sa propre identité non dévoilée.
Après cette mise en route poétique, le récit
se rouille quelque peu dans des mécanismes prévisibles. Heureusement, de
nombreuses touches d’humours gardent l’accroche suffisante. Le manichéisme du
film est assumé car il s’agit d’un conte, certes pas pour tous les publics,
mais d’un conte tout de même. La presse a relevé en masse la puissance de la
prestation de Sally Awkins, mais les rôles secondaires se démarquent également.
Le voisin d’Elisa (Michael Stuhlbarg) est un personnage touchant et il
contribue à mettre ce conte moderne sur pieds. Il en va de même pour la géniale
Octavia Spencer, qui joue une collègue de travail énergique et déterminée.
L’esthétique léchée de Del Toro est hypnotisante et
participe à la création d’un univers total et accompli. Les décors sont
parfaitement soignés, jusqu’à rendre l’histoire surréelle, comme une pièce de
théâtre ou un film de Méliès. Ce qui contraste parfaitement avec le réalisme de
la bête, une sorte de reptile sur pieds d’une véracité extrême. Certaines
scènes troublent cette réalité, en rendant la créature plus présente et vraie
que les fastueux décors. Côté bande originale, c’est Alexandre Desplat, le
célèbre compositeur français, qui s’est collé à la tâche. Ses compositions
soutiennent l’histoire et précisent le ton, malgré une couleur quelque peu
naïve. Shape of Water réunit poésie et fantastique, humour et naïveté, dans une
équation sensible et toute en finesse.
(La Forme de l'eau)
de Guillermo Del Toro
USA (2017)
Actuellement en salle
Clotilde Colson
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