Laissez bronzer les cadavres : nostalgie moderne
Après
L’étrange couleur des larmes de ton corps,
le duo Hélène Cattet/Bruno Forzani est de retour avec Laissez bronzer les cadavres, un film aux allures de western
spaghetti psychédélique. Le film est une adaptation du roman éponyme de
Jean-Pierre Bastid et Jean-Patrick Manchette.
C’est la première fois qu’Hélène Cattet et
Bruno Forzani adaptent un roman à l’écran. Habituellement, leur cinéma est
reconnaissable par la déconstruction narrative qu’il opère. Laissez bronzer les cadavres est, au
contraire, une histoire linéaire. L’action se déroule sur 24h et principalement
dans un même lieu. Le récit avance alors par fragment : le temps est
compté et il peut avancer très vite comme très lentement, lorsque la tension
est à son comble. Mais ce n’est manifestement pas du coté du scénario que le
duo démontre le plus son talent. Celui-ci est relayé au second plan, moins
important que le son et l’image. Du côté des personnages, le spectateur en sait
peu. Ils sont esquissés rapidement par quelques traits caricaturaux, une voix
ou un regard.
Les films de Cattet et Forzani ne laissent
que peu de place aux comédiens. Difficile d’imaginer le déroulement d’un
tournage. Les comédiens parlent peu, sont filmés en gros plan ou en ombre. Et
cela ne les aide pas. Aucun jeu ne se déploie réellement, ils sont enfermés dans
des chorégraphies et œuvrent pour la beauté esthétique du film plutôt que pour
sa profondeur.
Laissez
bronzer les cadavres est une
œuvre qui ne laisse pas indifférent d’un point de vue esthétique. Les deux
réalisateurs aiment la mise en scène et la perfectionnent film après film. Ils
jouent sur les couleurs, n’hésitent pas à ajouter des effets, pourtant parfois
excessifs. Leur caméra se balade sur les corps, entre dans l’intimité des
personnages. Tout est montré sans modestie. Les morts sont brutales et le
soleil éblouit. Hélène Cattet et Bruno Forzani font du décor un personnage à
part entière. Ils arrivent à filmer la Côte d’Azur sous un autre jour et avec
brio.
Leur cinéma est avant tout sensoriel. Sur
leurs trois longs-métrages, le duo a effectué un travail minutieux sur le sound design. Six mois de travail en post-production sont nécessaires
pour rendre l’expérience aussi forte. Les sons sont exacerbés, ce qui rapproche
le spectateur des tensions naissantes dans le récit. Les deux réalisateurs
insistent sur l’importance de voir leurs films en salle. L’important est l’expérience,
l’impact physique qu’a la séance sur les corps immobiles des spectateurs. Le
film vise le spectateur, en fait sa proie. Nous sommes dans le viseur des personnages,
qui sont à deux doigts de nous tirer dessus à la carabine.
Laissez
bronzer les cadavres
De Hélène Cattet et Bruno Forzani
France/Belgique 2017
Sortie le 18 janvier 2018 en Belgique
Clotilde Colson
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