Cold War: PO-PO-LAND
Appréciation : ****
Du jazz, une histoire d’amour
compliquée, deux tempéraments différents, un exil à Paris. Comme un petit gout
de La-la-land, la Pologne de l’après-guerre en plus. Tout aussi musical, moins
comédie, Pawel Pawlikowski revient quatre ans après Ida, Oscar du meilleur film étranger.
Du noir et blanc, une image en
4/3, la dictature soviétique et des personnages décadrés qui expriment la
profondeur de leurs sentiments compliqués. Certes, l’une des deux bandes
annonces du film peut faire peur, virant presque à la parodie de film d’auteur.
Il n’en est rien. Préférez l’autre bande-annonce, pas un dialogue, seulement
des images, magnifiques, sur la version jazz de Deux cœurs, morceaux qui rythme le film dans une multitude de
versions.
Cold War n’est pas un film politique. Toujours subtil, toujours
critique, le regard posé sur le régime polonais pendant les années 50 / 60
n’est pourtant pas le thème du film. Il ne sert qu’à appuyer un propos bien
plus universel, celui de l’amour, de la difficulté à savoir ce que l’on veut
vraiment. Niais ? Fleurs bleues ? Non, car l’oppression du système
est palpable, d’un côté du rideau de fer comme de l’autre. La vie à deux, les
ruptures et les retrouvailles sont cernées de politique, d’exil et de peur. Un
pays méconnu, une période obscure. Derrière l’ogre soviétique, il y avait les
pays satellites, après la guerre, il y a eu la misère. La Pologne des années 50
ce n’est pas sexy, ce n’est pas la belle époque, ce n’est pas la dépression, ce
n’est pas la guerre, cinématographiquement ça ne donne pas envie. Et c’est bien
pour ça que Cold War est si
intéressant. Il s’intéresse aux petites histoires, celles en marge de la
Grande, celle de la Pologne alors que l’URSS est à côté, celle de leur amour
alors que l’oppression est omniprésente.
Le film a déjà été récompensé d’un
prix de la mise en scène à Cannes. Il ne l’a pas volé car tout y est
particulier : le format presque carré corrélé à des plans larges et
décadrés et un rythme plutôt lent qui donne une impression de photographie, de
pause contemplative. Et pourtant, le film ne lasse jamais. L’histoire avance
sans cesse, les lieux changent et les personnages évoluent. Le film suit Zula
et Wiktor sur quinze ans de leur vie : de leurs statuts à leurs
personnalités, leurs projets, leurs succès… Pawlikowski ne laisse pas le temps
au spectateur de s’ennuyer car d’une séquence à l’autre tout est différent. Et
comme ses deux protagonistes, on regrette la pseudo-stabilité. Car là est la
force du film, deux personnes qui s’aiment plus que tout mais qui ne peuvent
pas vivre ensemble. L’impossibilité n’est pas seulement externe, elle est en
eux. Ils sont humains, imparfaits, des paradoxes avec deux jambes et deux bras
qui veulent une chose puis son contraire, font des choix puis les regrettent.
Pawel
Pawlikowski revient et livre à nouveau un film marquant, tant dans sa forme que
dans son fond, un cinéma qu’on a plus l’habitude de voir en salle. Un film qui
traverse l’Europe, qui passe du folklore polonais au jazz, du français au
polonais, d’un bloc à l’autre. Un film qui prend son temps mais dont la
narration va à toute allure. Un film personnel, le réalisateur adapte librement
la vie de ses parents, sans pour autant faire dans l’ésotérique et le
nombrilisme. Un film musical, doux à l’image, dur dans les relations, un film
lent mais un film court, car oui, si vous avez peur de vous ennuyer, vous ne
perdrez jamais qu’une petite heure et demie.
Cold war
De Pawel Pawlikowski
POL (2018)
Sorti le 31 octobre (encore au cinéma, mais pas pour
longtemps)
Alan Santi
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