Time’s Up : La féminité selon Hollywood
« Time’s Up ! », disent de nombreuses
actrices d’Hollywood pour combattre le sexisme et les inégalités depuis
l’affaire Weinstein. Des producteurs, acteurs ou réalisateurs tombent de leur
piédestal, et c’est bien fait. Les femmes osent enfin parler et mènent une
révolution sans relâche. Pourtant, un aspect essentiel à l’égalité des genres
demeure inexistant dans la plupart de leurs discours : la représentation
de la féminité à l’écran.
Three
Bilboards Outside Ebbing, Missouri
est annoncé comme étant le meilleur film américain du moment par de nombreux
critiques de cinéma. Et la reconnaissance se fait également via de multiples
récompenses : quatre Golden Globes, meilleur scénario à la Mostra de
Venise, trois prix aux SAG Awards et de nombreuses nominations aux Oscars.
Frances McDormand incarne une femme dite
« forte » : Mildred Hayes une mère ayant perdu sa fille,
assassinée, et qui décide de louer des panneaux publicitaires afin
d’interpeller le chérif, qui semble avoir délaissé le dossier. Pour interpréter
son personnage, l’actrice s’est inspirée de John Wayne, pionnier du Western. Un
personnage comme celui de Mildred n’est pas du tout dérangeant, au contraire,
il est très bien écrit et interprété. Mais doit-on limiter le féminisme à
l’attribution d’un rôle principal à une femme ? Et qu’en est-il de la
représentation de la féminité et de sa stigmatisation ? Le problème que
pose ce film, ne réside pas en son protagoniste mais en ses rôles secondaires. Les
autres personnages féminins, à l’opposé de Frances et de sa pseudo-masculinité,
ont presque tous la même personnalité : très féminines mais très connes. À
la manière d’un vaudeville ou d’une publicité dans les années 60, la
féminité est assimilée à la drôlerie, à la légèreté, voire à l’objet sexuel.
Bien évidemment, tous ces personnages sont confiés à des actrices-mannequins,
au plus proche de la poupée.
Peut-on se proclamer féministe tout en
oppressant la féminité ? La fiction, comme tout autre média de masse, a le
pouvoir de changer l’opinion publique, de la façonner. Les idées véhiculées par
le cinéma ont une importance capitale. Certes, la liberté d’expression est
primordiale, et je ne m’opposerai jamais à celle-ci. Mais il faut prendre
conscience que les comportements dérangeants ou préoccupants envers les femmes
sont encouragés par des modèles. Défendre la féminité dépasse le féminisme, car
cela ne concerne pas seulement les femmes. Dès qu’un homme ose affirmer une
féminité, cela est perçu comme une fantaisie, un défaut voire une maladie. Dans
le sens contraire, tel MacDormand dans Three
Bilboard, le défaut devient un don. Les stéréotypes sont bien trop
nombreux.
Sara Forestier dénonçait l’injonction à être
sexy, en novembre dernier dans l’émission de Léa Salamé. Elle est apparue sans
maquillage, signe de protestation à l’encontre de la condition de l’actrice :
toujours être maquillée, apprêtée, sexy, attirante. L’actrice défend aimer la
féminité mais ne pas supporter l’injonction. Être féminine, ça se décide, ça ne
s’impose pas. Mais avoir de peur l’être, ce n’est plus possible.
Clotilde Colson
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