2017 : une année de cinéma…et de télévision
Renouveau
du cinéma
L’année 2017 fut riche en émotions
cinématographiques et a vu de nombreux talents se confirmer. Les frères Safdie,
avec Good Time, réalisent un coup de
maître qui leur vaut une sélection en compétition officielle à Cannes. Damien
Chazelle, avec son La La Land, entre
carrément dans la légende. De son côté, Robin Campillo, qui avait plutôt brillé
en tant que scénariste, signe un des films les plus bouleversants de
l’année : 120 battements par minute.
De nombreux cinéastes ont osé des propositions originales, modernes et qui
ont plu ou non. Avec The Square,
Ruben Östlund a remporté la Palme d’or mais a divisé la critique. Un film
« engourdi par une sociologie de
galeriste » pour la Septième Obsession ou «un cinéma tape-à-l’œil qui se complaît du côté des bourreaux » selon
Les Cahiers du Cinéma. Le film d’Östlund pose question, intrigue et certes,
n’est pas clair dans le propos qu’il tient. Mais ce que l’on ne peut retirer au
film, c’est son imaginaire et sa drôlerie. Alors que depuis quelques années les
Palmes d’or étaient remises à un cinéma triste, gris et fatigué, le jury
présidé par Pedro Almodovar a réussi à briser la tradition.
Les films détestés
Dans les films détestés de cette année, s’inscrivent
aussi You Were Never Really Here (ou A Beautiful Day), Mother ! ou encore American
Honey (sorti cette année en Belgique). Encore une fois, la critique fut
sévère, n’attribuant aucune étoile aux films ou criant à l’imposteur. Le film
de Lynne Ramsey, You Were Never Really
Here, fut jugé comme étant une pâle copie du Taxi Driver de Scorsese. Évidemment, les ressemblances sont
nombreuses, mais Lynne Ramsey parvient cependant à présenter une œuvre
personnelle et percutante avec un Joaquin Phoenix au sommet de sa forme. Avec Mother !, Darren Aronofsky
n’atteint pas la puissance de Black Swan
et se perd parfois dans des exagérations inutiles. Malgré ses défauts, le film est
loin d’être un navet et permet à Jennifer Lawrence de livrer sa meilleure
performance d’actrice. Le cas American
Honey, film d’Andrea Arnold qui a obtenu le Prix du Jury au Festival de
Cannes en 2016, est le plus préoccupant. Problème de génération ? Cinéma
trop esthétique ? Pas assez innovant ? Les questions face aux
réactions de la presse sont nombreuses, tant ce film propose une expérience
d’une beauté hypnotisante. Comme avancé par Romain Blondieu des Inrocks, « American Honey pourrait s’imposer comme un futur classique
générationnel ».
Blockbusters
Dans le meilleur du box office, on retrouve
le dernier Christopher Nolan, Dunkerque.
Nolan signe un film polyphonique et plonge le spectateur au milieu du combat. L’intérêt
du projet tient à ces trois points de vues : celui d’un soldat coincé à
Dunkerque, d’un pilote d’avion et d’un anglais obligé de se rendre à Dunkerque
avec son bateau de plaisance. Dans un autre style, Kathryn Bigelow s’attaque
aux incidents survenus à Detroit en 1967. Detroit est un portrait inégal de la situation mais qui est porté par une scène d’interrogatoire sadique difficile à oublier. Un
autre film à gros budget (mais à petites recettes) est le dernier Denis
Villeneuve, qui, 35 ans après, faire revivre l’univers de Blade Runner. Blade Runner 2049 est un beau projet, mais qui malheureusement reste en
demi-teinte. LE succès américain de l’année, c’est le film Ça, une nouvelle version de l’histoire de Stephen King qui pourtant
manque de finesse et de personnalité. Côté films d’animation, les studios Pixar
ont retrouvé la magie de leurs premiers succès avec Coco, l’histoire d’un jeune Mexicain qui atterrit au pays des
morts.
Dunkerque de Christopher Nolan
Très bons, mais très discrets
Certains films se sont montrés très discrets
malgré leur qualité. Kelly Reichardt a dirigé un casting hollywoodien pour Certain Women, un film délicat et
poétique peignant des portraits de femmes. Le retour du cinéaste Todd Haynes,
qui a d’ailleurs produit Certain Women,
n’a pas non plus beaucoup fait parler de lui. Présenté comme un Todd Haynes
moins fort ou moins maitrisé que Carol,
Wonderstruck reste dans l’ombre alors
que le cinéaste déploie tout son talent pour servir une des histoires
merveilleuses signées Brian Selznick ( Hugo
Cabret). Un autre cas est celui d’Un
jour dans la vie de Billy Lynn d’Ang Lee, film retraçant une journée d’un
soldat porté en héro et contraint à défiler derrière les Destiny’s Child lors
d’un match de football américain alors que la guerre le rappelle dès le
lendemain.
Wonderstruck de Todd Haynes
Ventres mous
Si des cinéastes nous ont fait rêver cette
année, d’autres n’y sont malheureusement pas arrivés. Sofia Coppola se prête à
un exercice de style très creux dans Les
Proies, Michael Hanneke nous offre une suite de son film Caché mais encore plus ennuyant et
énervant ou encore Terrence Malick nous déballe des réflexions philosophiques
d’adolescents superposées à une suite de gamineries interminables dans Song To Song. Du côté des réalisateurs
français, rien ne va plus : Arnaud Desplechin déçoit avec Les Fantômes d’Ismaël, François Ozon se
prend pour Cronenberg dans L'Amant double. Quant à Guillaume Galienne ou Samuel Benchetrit, même pas
besoin d’en parler. Heureusement, Claire Denis redore le blason avec une
comédie tendre et triste, Un beau soleil
intérieur, sur mesure pour Juliette Binoche.
Un beau soleil intérieur de Claire Denis
Une nouvelle génération de cinéastes français
se démarque cependant : Hubert Charuel débute avec un très bon premier
film, Petit Paysan et Julia Ducournau
a le mérite d’attirer les jeunes vers un cinéma d’auteur avec Grave.
La télévision prend le relais du grand écran
Twin Peaks: The Return de David Lynch
L’événement cinématographique de cette année
n’est pas sorti en salle, il s’agit de Twin
Peaks : The Return, la suite de la série culte de Lynch des nineties. Twin Peaks est une série et a été
diffusée en télévision par Showtime. Pourtant, les Cahiers du Cinéma l’ont
désignée comme étant le meilleur film de l’année. L’affaire a provoqué un grand
débat sur Twitter, certains défendant ce choix de par la qualité de l’œuvre,
d’autres criant qu’il ne s’agit pas de cinéma mais de télévision. Le cinéma a
toujours connu un problème de définition, et il serait impossible de le
résoudre dans cet article. Mais l’œuvre que Lynch nous propose n’a rien des
codes télévisuels et pourrait très bien être projetée dans les salles obscures.
Le seul problème est sa durée : personne ne diffuserait un film de 18h,
qui plus est expérimental. Alors oui, David Lynch nous a livré un grand moment
de cinéma à déguster sur le petit écran. Cette saison 3 fait revivre beaucoup
d’aspects du cinéma du réalisateur : des tableaux à la Eraserhead, de l’ironie comme dans Sailor et Lula, le mystère de Blue Velvet ou encore la confusion de Lost Highway. Si le cinéaste décide de
prendre sa retraite aujourd’hui (ce que je ne souhaite pas), il quittera le
septième art après un coup de maître. Il en est de même pour l’acteur Kyle
MacLachlan dont la performance aux trois visages est une des plus belles vues
au cinéma.
Une cinéaste également palmée, Jane Campion,
a signé son retour à la télévision. L’inspectrice Robin Griffin (Elisabeth
Moss) a repris du service dans Top of the
Lake : China Girl, deuxième saison de la série. Radicalement
différente, cette saison s’attaque à un autre sujet féminin et gagne
encore en intensité. On y retrouve Nicole Kidman, mais également Alice Englert,
la fille de Jane Campion ainsi que Gwendoline Christie, dans un personnage
comique mais profondément triste. Jane Campion apporte son regard sur un sujet
trop peu traité dans l’univers de la fiction. Top of the Lake : China Girl est une œuvre nécessaire et percutante.
Top of the Lake: China Girl de Jane Campion
Dans les séries qui ont marqués l’année 2017,
impossible de passer à côté de Big Little
Lies, une autre série s’attaquant à un sujet féminin. Reese Witherspoon,
Nicole Kidman, Laura Dern, Shailene Woodley et Zoë Kravitz : le casting
était parfait. À la caméra, Jean-Marc Vallée à qui l’on doit The Dallas Buyers Club ou Wild. Bien que plus classique dans sa
mise en scène, l’histoire de ces femmes est bouleversante et les
actrices mériteraient de rafler tous les prix. Big Little Lies, tout comme Top
of The Lake, dénonce les inégalités entre les hommes et les femmes et,
loin d’être un simple conte moral, s’inscrit dans le combat pour changer les
mentalités.
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